Fait le le 05/01/2004
U n certain 24 avril 2002, dans le texte au titre explicite je crois, «ni Le Pen, ni Chirac !», j'appelais donc les gens de gauche à ne voter pour aucun des deux candidats, parce que c'étaient les deux faces de la même monnaie: avais-je tort ? Après un an et demi d'expérience «UMP à tous les étages», j'ai la nette impression que non. Ce 24 avril, j'écrivais notamment ceci: «Contrairement au discours de tous les ténors de la gauche, il me semble que le vote massif pour Chirac serait, non pas un "front républicain" contre la "bête immonde" mais bien un blanc-seing pour lui permettre pendant deux semaines de dérouler sa campagne sans qu'on le conteste. Comment MM. Strauss-Kahn, Hollande, Hue, Mmes Guigou ou Buffet, pourront-elles, pourront-ils être crédibles s'ils critiquent celui pour lequel ils appellent à voter ? Inversement, comment seront-ils crédibles s'ils ne le critiquent pas ? La réaction intelligente et seule valable pour elles et eux aurait été, dès l'annonce de la présence de le Pen au second tour, de rebondir sur la dérive du discours sécuritaire tout au long de la campagne». Résultat prévisible de ces considérations: se barrer la route des législatives. Ce qui advint. Mais pire encore, leur mobilisation imbécile les décrédibilisa profondément et longuement: la droite a beau s'affaisser, ça ne fait pas pour ça remonter la gauche[1]. Remarquez, ça fait un certain temps que j'avais quelques doutes sur la crédibilité de nombre dirigeants de gauche, alors… L'autre chose prévisible, et en fait logique, est la droitisation de la droite: les «grands partis» de gauche, en se droitisant, ne pouvaient que pousser la droite à la surenchère vers le repliement, la répression, le durcissement des lois, et bien sûr la Politique des politiques, celle censée lui apporter les faveurs de son «électorat naturel», celui s'étendant du centre-droite à l'extrême-droite: réduire les impôts, faire des coupes dans les budgets sociaux et dans les budgets à faible visibilité immédiate (recherche scientifique, enseignement supérieur, environnement, culture, etc.). Non que ce soit particulièrement efficace — l'électeur d'extrême droite trouvera toujours que la droite moins extrême «n'en fait pas assez», en revanche, un certain nombre des électeurs de droite de 2002 trouveront qu'elle fait en trop, et pour les électeurs du centre et de gauche, même parmi ceux qui trouvent que «le gouvernement fait ce qu'il faut», très peu voteront pour la droite lors des élections à venir. Conclusion, nos représentants de droite et de gauche nous prennent pour des clowns, ce en quoi ils n'ont pas tort puisque nous persistons à voter pour ceux qui font erreurs sur erreurs depuis des lustres — je dis «nous», quoique je ne le fasse plus, mais ça ne change rien à l'affaire, donc, disons: «nous»… Cela considéré, une majorité de mes contemporains agit en tous domaines en contradiction avec ses intérêts à moyen et long terme en vue de protéger ceux à court terme. Ses intérêts à moyen terme d'aujourd'hui étant ceux à court terme de demain, à l'analyse, elle agit contre tous ses intérêts. J'ai bien quelques explications concernant cette tendance, mais c'est un autre sujet. [1] Lisez-moi bien: depuis 2002, chaque élection voit certes la droite battue, mais, je le répète, parce qu'elle régresse, et non parce que la gauche progresse. |